Le football règne en maître sur le continent africain. Mais sur le plan des récompenses, la couronne n’a pas la même valeur selon qu’elle est portée par un homme ou une femme. Alors que la CAN masculine continue d’attirer les sponsors, les droits TV et les grands diffuseurs, la CAN féminine peine encore à sortir de l’ombre malgré des progrès notables en termes de niveau de jeu et de popularité.
Pour la CAN féminine 2024 (du 5 au 26 juillet 2025) au Maroc, la CAF a annoncé une hausse des primes. Le vainqueur percevra désormais 1 million de dollars, soit le double de l’édition précédente. L’enveloppe globale passe de 2,4 à 3,475 millions de dollars. La répartition des récompenses est la suivante :
- Vainqueur : 1 000 000 USD
- Finaliste : 500 000 USD
- Troisième : 350 000 USD
- Quatrième : 300 000 USD
- Quarts de finaliste (4 équipes) : 200 000 USD chacune
- Troisième de groupe : 150 000 USD
- Quatrième de groupe (3 équipes) : 125 000 USD chacune
Malgré cette revalorisation, l’écart avec les dotations masculines reste considérable. Lancée en 1957, la Coupe d’Afrique des Nations masculine bénéficie d’un ancrage ancien, quand la première édition féminine organisée par la CAF ne remonte qu’à 1998. Entre-temps, les investissements ont suivi une logique déséquilibrée, en défaveur des sélections féminines.
À ce jour, les budgets alloués aux équipes masculines restent largement supérieurs : salaires des sélectionneurs, stages à l’étranger, primes, équipements. Les équipes féminines doivent souvent composer avec le strict minimum, parfois dans des conditions précaires. Lors de la CAN 2023, la Côte d’Ivoire, pays hôte et vainqueur du tournoi, a empoché 7 millions de dollars. Le montant total des dotations s’élevait à plus de 26 millions. En comparaison, la prime décernée à l’équipe féminine championne en 2022 s’élevait à 500 000 dollars.
Des joueuses sous-financées, malgré les performances
Sur le terrain, les écarts de traitement sont également visibles. En 2010, les Super Falcons du Nigeria recevaient 500 dollars par victoire à la Coupe du Monde, contre 30 000 pour leurs homologues masculins. L’hébergement, les équipements et la prise en charge étaient également très contrastés. Au Cameroun, certaines joueuses touchent entre 40 et 60 euros par mois, souvent avec des retards.
En 2019, après le Mondial en France, les Lionnes Indomptables avaient protesté publiquement pour réclamer leurs primes non versées. La sélection féminine du Sénégal, malgré sa première qualification historique à la CAN en 2022, n’a jamais bénéficié d’un soutien financier comparable à celui accordé aux Lions, sacrés en 2021.
La médiatisation joue aussi un rôle clé. Quand les Lions de la Teranga ou les Super Eagles jouent, les chaînes bousculent leurs programmes. À l’inverse, les matchs féminins restent rarement diffusés, même lors des grandes compétitions. Ce manque de visibilité entretient un cercle vicieux : peu de couverture, donc peu de sponsors, peu de revenus, et donc peu de moyens pour développer la discipline. Des joueuses ont souvent souligné ce déséquilibre.
Quand on joue, parfois même les journalistes ne se déplacent pas. C’est comme si on ne comptait pas
confiait une internationale sénégalaise.
Une dynamique encourageante mais encore fragile
Face aux critiques, la CAF multiplie les annonces. Le lancement de la Ligue des Champions féminine en 2021, la création d’un nouveau trophée symbolisant l’égalité, ou encore les déclarations de soutien de son président Patrice Motsepe vont dans ce sens.
L’augmentation de 100 % de la prime destinée à l’équipe vainqueur et la hausse de 45 % des récompenses devraient favoriser l’amélioration des rémunérations
Patrice Motsepe
La FIFA, de son côté, vise 60 millions de joueuses licenciées d’ici 2026. Des programmes sont en cours pour accompagner les fédérations africaines dans le développement des ligues féminines et la formation des encadreurs. Mais pour beaucoup d’actrices du football féminin africain, la question n’est plus celle de la volonté affichée. Elle est désormais celle de l’application sur le terrain.


