Le derby cairote au sommet du football africain a tourné en faveur des joueurs du Zamalek, victorieux de leur grand rival après une rencontre achevée aux tirs au but (1-1, 4-3 TAB) au cœur d’une Kingdom Arena électrisée par les supporters égyptiens et surtout saoudiens venus en nombre. Cette victoire permet à Zamalek de remporter la 5e Super coupe d’Afrique de son histoire, après ses précédents succès en 1994, 1997, 2003 et 2020. Mais le sacre du nouveau roi d’Afrique est presque anecdotique, tellement les enjeux de cette Super Coupe se trouvent ailleurs.
L’industrie du football a connu une véritable révolution économique ces dernières années. Les droits de diffusion atteignent parfois des montants astronomiques. Dans ce contexte ultra-compétitif, les acteurs du football, comme la Caf, sont poussés à trouver de nouvelles sources de revenus, souvent au détriment de l’aspect traditionnel du football. Lors de cette édition 2024, la Caf a dévoilé avant le match une identité visuelle. Cette démarche a pour but de renforcer l’attractivité mondiale du football africain, attestant de l’engagement indéfectible de la Caf à améliorer l’image de ses compétitions.
Ce vendredi, au Kingdom Arena de Riyad le football cairote a pris possession des lieux avec une Super Coupe sous forme d’un derby du Caire entre Al Ahly et Zamalek qui a été très intense. La Caf a bien choisi la scène pour mettre le maximum de projecteurs sur cette compétition ; une rencontre qui ne drainait pas habituellement les foules car se jouant sur terrain neutre dans un continent vaste où les gens ont peu de moyens pour se déplacer. Mais avec l’affiche de cette année, le Caire aurait été la ville idéale pour accueillir cette Super Coupe.
Mais, pour des raisons purement financières, c’est donc le joyau saoudien de football couvert (30 000 places) qui a accueilli cette grande affiche. Le stade saoudien s’est déjà fait connaître en accompagnant les débuts en boxe professionnelle du Camerounais Francis Ngannou qui y a disputé ses deux combats contre Tyson Fury et Anthony Joshua.
Mais cette délocalisation en Arabie Saoudite suscite quelques controverses. Les fans égyptiens sont lésés, car la compétition est éloignée de 1634 kilomètres. Les enjeux sont purement commerciaux : la délocalisation sert principalement des intérêts de marketing et de soft power pour l’Arabie Saoudite. Cette délocalisation a des retombées financières sans cesse croissant pour la Caf.
Garantir plus d’autonomie aux clubs
Le 18 septembre 2023, le Comité exécutif de la Caf a approuvé une augmentation de 130% de la dotation de la Supercoupe. Les vainqueurs de l’édition 2023 de la Supercoupe de la Caf, les Algériens de l’USM Alger, avaient reçu une récompense à hauteur de 500 000 USD, suite à leur victoire sur les Égyptiens d’Al Ahly. Auparavant, les vainqueurs de la Supercoupe de la Caf percevaient 200 000 USD. Parallèlement, Al Ahly, le finaliste de l’édition 2023, a reçu 250 000 USD. Auparavant, les seconds recevaient 125 000 USD.
En 2022, le montant total des dotations de la Supercoupe de la Caf s’élevait à 325 000 USD. En 2023, le prix total est passé à 750 000 USD. Cette augmentation rentre en conformité avec l’engagement du président de la CAF, Dr Patrice Motsepe, qui vise à augmenter les dotations dans toutes les compétitions de la CAF afin de garantir plus d’autonomie aux clubs.
A contrario, la délocalisation de cette Super Coupe a des répercussions importantes sur les supporters et les communautés locales qui voient leur lien avec leurs clubs se distendre. Les fans historiques sont délaissés au profit d’une audience internationale plus lucrative. Le stade est rempli de touristes et de spectateurs occasionnels, au détriment des supporters de toujours.
Il est bien vrai que de plus en plus des Super Coupes ou trophée des Champions sont délocalisés dans des stades neutres ou dans des pays où le sport est moins développé. Les grands championnats européens de football organisent des rencontres à l’étranger pour toucher de nouveaux publics et accroître leurs recettes. Cette tendance pose la question de l’authenticité des compétitions et de l’attachement des supporters à leur club d’origine.
Ces aspects montrent que, bien que financièrement avantageuse, la délocalisation de la Super Coupe d’Afrique soulève des questions sur l’équilibre entre les intérêts économiques et le respect des traditions sportives et des supporters.