Il y a quelques mois, la Coupe d’Afrique des nations s’est tenue en Côte d’Ivoire. Est-ce que l’évènement a été un succès total ou il y a encore de la marge de progression ?
On peut toujours améliorer les choses mais je suis confiant. Je pense que l’avenir du football africain est radieux. L’un de nos principaux objectifs c’est de s’assurer qu’une équipe nationale africaine devienne championne de la prochaine Coupe du monde. Nous continuerons à enregistrer des succès. Par rapport à la CAN en Côte d’Ivoire, cela a été la plus réussie dans l’histoire du football africain.
2,2 milliards de téléspectateurs partout dans le monde ont regardé la CAN en Afrique. On a doublé le nombre de sponsors qui soutenaient le football africain. On est passé à 120 alors qu’on en avait 60 lors des éditions précédentes. On a eu un record de spectateurs dans des pays, dans des continents où nous n’étions pas présents historiquement. Les chiffres se sont aussi améliorés significativement.
Est-ce qu’elle a été rentable ?
La CAN en Côte d’Ivoire a été la plus rentable de notre histoire. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Mais, cela ne peut être rentable que si la qualité du football africain est enthousiasmante.
Vous êtes un homme d’affaires. Combien avez-vous gagné ?
On a gagné plus de 80 millions de dollars. C’est ça le bénéfice par rapport aux éditions précédentes, on a gagné à peu près quatre millions. On est passé à 4 millions et une grande partie de cet argent va à l’ensemble des pays du continent pour développer le football. L’un de nos objectifs est de leur donner encore plus d’argent à l’avenir. Mon travail est d’établir des fondations pour s’assurer que le Comité exécutif du football africain et le secrétariat font très bien leur travail. Nous devons mettre en place ses fondations pour que lorsque je quitte mon poste, que mes successeurs puissent avancer.
Vous parlez de quitter votre poste. Votre mandat se termine en mars 2025. Vous allez quitter votre poste ou est-ce que vous comptez être réélu ?
La réponse est simple. Beaucoup de mes sponsors me disent que nous sommes inquiets. Ce nouveau leadership a été tellement performant, il y a de la transparence, de l’audit, de l’éthique et on s’inquiète de ce qui va se passer quand vous partirez. Nous sommes les plus grands actionnaires de certaines des plus grandes entreprises d’Afrique.
Mon devoir dans le monde des affaires comme dans le monde du football et dans d’autres organisations dans lesquelles je suis impliqué c’est de créer un leadership efficace, compétent qui peut me remplacer non pas quand il y a une assemblée générale ou une élection. Je peux vous dire qu’on a des dirigeants d’envergure mondiale à la Confédération africaine de football (CAF).
Vous ne dites pas je vais faire un seul mandat, vous êtes ouvert à un second mandat ou en tout cas vous ne l’excluez pas ?
Pour moi c’est une question qui n’a aucune importance. Que je me présente ou non, je serai déçu, très déçu si dans 10 ans, on constate que tout le travail que nous avons effectué, constaté qu’il y a eu des reculs ou que notre travail a été sapé. On doit graver dans le marbre l’éthique dans le football, l’intégrité. S’assurer que lorsque les arbitres et les commissaires des matchs rendent des décisions, que lorsque la VAR rend des décisions en Afrique, comme partout dans le monde, que cela soit vu avec le même niveau de légitimité.
A votre arrivée à la CAF, vous avez trouvé un gros trou financier. Il y avait des accusations au sujet d’argent mal dépensé ou pire. Est-ce que vous avez vraiment trouvé une situation désastreuse en arrivant ?
Il y avait des problèmes très sérieux. C’est ce que disaient les sponsors, les partenaires. Nous n’avons pas confiance quant à la manière dont ces ressources, ces financements dont nous allouons sont gérées. Nous ne savons pas où va l’argent. Les procès d’audit n’étaient pas fiables. Les décisions des arbitres, des commissaires de maths…
La CAF était corrompue autant le dire…
Il y avait des problèmes graves. Je peux vous dire avec confiance qu’il y avait effectivement des problèmes fondamentaux concernant la gouvernance, des problèmes fondamentaux concernant l’audit, la transparence.
Vous avez dû entendre les accusations selon lesquelles Gianni Infantino, le patron de la FIFA est le véritable boss de la CAF. Que vous êtes là essentiellement grâce à lui. Quelle est votre réponse à ces accusations très sérieuses qui ne doit pas être agréable pour quelqu’un qui a très bien réussi par ailleurs ?
Si vous êtes dans ma position, vous savez que vous devez comprendre les choses pour ce qu’elles sont. Tout cela s’est produit dans un contexte de division sur la Coupe d’Afrique tous les quatre ans. Cela se produit tout le temps. Les points de vue que nous exprimions étaient africains. Je respecte les points de vus qui viennent d’autres parties du monde qui sont des points de vus différents. Il faut aussi que je les écoute.
Le but étant d’essayer de trouver une solution positive pour le football mondial. De nombreux chefs d’Etats africains riaient bien. J’ai travaillé avec certains des hommes d’affaires qui ont le mieux réussi au monde. Ça nous amuse beaucoup ce genre de chose. L’idée que l’Afrique n’a pas suffisamment confiance en elle, n’a pas la capacité de prendre des décisions exclusives, souveraines par rapport à ce qui constitue ses intérêts. C’est vraiment un reliquat du passé et c’est quelque chose qui ne me touche pas.
Au sujet d’une controverse qui concerne Samuel Eto’o, le président de la Fédération camerounaise de football, il y a une enquête sur des accusations de matchs truqués au Cameroun. Il a critiqué la CAF, il a même menacé de poursuivre en justice son secrétaire général parce qu’il affirme que c’est de la diffamation. Il a récemment été entendu par la CAF. Est-ce qu’il risque une suspension ? Quand est-ce que la décision sera prise ?
Il faut savoir faire la part des choses. D’un côté, Samuel Eto’o de mon point de vue sera toujours l’homme dont nous avons été très fière, qui a été parmi les plus talentueux et je continuerais toujours d’être fière de ce qu’il a réussi à faire sur le terrain. C’est le premier point. Cependant, il faut aussi considérer ces allégations non seulement par rapport à Samuel Eto’o mais par rapport à d’autres. L’aspect critique c’est que du point de vue de la Confédération africaine de football nous devons enquêter sur chaque plainte, chaque accusation et chaque allégation.
Nous devons le faire de manière éthique, en conformité avec les principes mondiaux à savoir la présomption d’innocence. Il ne s’agit pas que de football. C’est aussi la question de savoir ce qui se passe en Afrique et dans beaucoup d’autres parties du monde. Personne, moi le premier en tant que président de la CAF, personne n’est au-dessus de la loi.
La décision pourrait donc être une suspension du football ?
Quel que soit le sujet, la décision doit être dictée non seulement par ce qui se passe dans l’audience mais aussi par les règles de la CAF et de la FIFA.
Au Gabon, il y a des allégations d’agressions sexuelles par certains entraîneurs. Certains ont été arrêtés. Certaines victimes présumées affirment que le président de la Fédération gabonaise de football, Pierre-Alain Mounguengui, qui a été accusé de ne pas parler de ces abus, a été soutenu par la CAF. Il a été réélu à son Comité exécutif. Vous lui avez même rendu visite en prison. Les victimes disent que la CAF ne protège que les siens, que la CAF ne s’intéresse pas aux questions d’agressions sexuelles. Est-ce que vous pouvez répondre à ces accusations ?
On ne peut pas dire que c’est une question secondaire. Le problème des allégations d’agressions sexuelles est très sérieux et nous prendrons les mesures appropriées. Cela pourrait être l’expulsion.

Même s’il a été réélu ?
Il faut permettre aux accusations d’être mises à l’épreuve du processus judiciaire. On doit s’assurer que ces processus sont eux-mêmes éthiques, que les juges sont des juges de qualité, parmi les meilleurs du continent. Nous avons de très bons juges dans plusieurs pays en Afrique. Le système légal est excellent.
Donc, vous irez au fond des choses ?
Nous enquêtons sur cela, non seulement parce que c’est une question urgente. Mais, le problème est aussi que nous avons trois membres hauts placés du football africain en prison en ce moment même. Ils sont en prison en raison d’accusations de corruption et de détournement de fonds et nous respectons la souveraineté des processus judiciaires dans tous les pays. Mais si quelqu’un est mis en accusation, il faut le présenter à un juge.
Le président de la Fédération gabonaise a été accusé de cacher ces agressions sexuelles et la CAF a dit : mettez-le face à un juge et que le processus judiciaire suive son cours…
Nous, en tant que CAF, nous suivrons notre propre processus. Mettre les gens en prisons et les y garder pendant des mois et des années au lieu de les emmener devant un juge nous met dans une position très difficile. Dans tous les cas, nous devons suivre nos propres processus et c’est difficile de le faire quand la personne sur laquelle l’enquête est menée est en prison.