Il est 19h50 ce 25 mars 2025 au stade omnisports de Yaoundé. Les équipes du Cameroun et de la Libye effectuent la reconnaissance du terrain avant le coup d’envoi de la rencontre qui les oppose. Un homme athlétique se dirige vers la tribune réservée à la presse. Il s’agit de Bernard Tchoutang, un ancien Lion indomptable. Après quelques poignées de main et selfie avec des fans, l’homme, proche de la cinquantaine, demande à consulter la liste du 11 entrant de l’équipe du Cameroun. Après un coup d’œil, il hoche la tête en signe d’approbation. « Si la liste ne change pas avant le coup d’envoi, ça peut le faire. Le casting est bon, l’entraîneur a innové. Le gros du travail reste dans l’animation : pour quel système de jeu le sélectionneur va opter ? Comment le coach va-t-il aligner ses joueurs ? le résultat dépendra de cela », lance Bernard Tchoutang.
Après cet escale, Bernard se dirige vers la tribune d’honneur où un siège l’attend. L’ancien Lion invite l’équipe de Sports-team à le suivre dans ce petit voyage dans les gradins. Là, l’ambiance est différente de celle des autres compartiments. Les cris et les hurlements se font à peine entendre. Aussitôt le coup d’envoi donné, l’ex attaquant camerounais affiche des signes de déceptions. Une émotion issue des déchets dans le jeu camerounais. Son menton soutenu par sa main gauche en témoigne. Pertes de balles à répétition, les Camerounais ne semblent rien contrôler dans les 20 premières minutes de la rencontre. La réaction de celui qui, à une époque défendait les couleurs du pays de Roger Milla est à peine visible. Un petit geste du non de la tête, avant de répondre à un spectateur qui lui demande son avis sur l’action passée. « On ne sait pas tricher. Quand c’est comme ça, un joueur se met devant l’arbitre et on avance aussi avec le ballon. On ne sait pas tricher. Il faut jouer intelligemment. C’est ce que les Libyens font », répond-il.
Il était une fois… 2001
Les yeux toujours rivés sur le ballon, objet de l’attention des 22 joueurs sur la pelouse, Bernard Tchoutang fait office d’analyste pour les supporters autour de lui. Ceux-ci n’hésitent pas à lui poser des questions sur différentes actions. Sur une offensive manquée de Bryan Mbeumo à la 17e minute, son voisin lui demande ses lumières. La réponse est immédiate : « Mbeumo a mal négocié cette action. Il aurait pu dribbler avec son pied gauche, entrer et envelopper le ballon au deuxième poteau et le tour était joué ». Le même reproche est fait à Moumi Ngamaleu sur le côté gauche. Il critique les deux Camerounais qui n’arrivent pas à conclure des actions pourtant bien construites au départ. Des erreurs corrigées dès la 53e minute de jeu. Mbeumo envoie un ballon parti sur le même scénario au fond des filets. De quoi réjouir l’analyste de circonstance. « Un gaucher joue à droite. Donc, il doit pouvoir dribbler et entrer pour marquer. Ce que Mbeumo a fait. Il a corrigé les erreurs de la première mi-temps. Il ne suffit pas de tirer fort pour marquer », martèle Bernard Tchoutang.
Un but à zéro, deux buts à zéro… les Libyens voient leur échapper la victoire. Les simulations de fautes s’enchaînent. Cette situation ne laisse pas Bernard indifférent. « Ils ont mis la pression et on a donné le coup franc (…) le football maghrébin est comme cela. Ils sont toujours en train de pousser le ballon vers le haut après le coup de sifflet de l’arbitre », se plaint-il. De quoi plonger l’ancien Lion indomptable dans le match Cameroun vs Libye au début des années 2000 en terre libyenne. Les joueurs de l’époque ont essuyé des jets de pierres du public hôte dans les gradins. « Mon souvenir le plus marquant c’est 2001 en Libye. On jouait contre la Libye. Le fils de Kadhafi joue et on se prend des pierres. Le public nous jette des pierres dessus, y compris sur les journalistes. Ce n’est pas un souvenir très glorieux. Ce jour-là, nous avons tout de même fait un très beau match, nous avons battu nos adversaires sur le score de trois buts contre un (3-1). L’accueil était compliqué mais nous nous sommes imposés. C’était un beau match », se remémore Bernard Tchoutang, le regard tourné vers la pelouse.
La relève assurée
Malgré tout, Vincent Aboubakar et ses coéquipiers ont ouvert le score à la 24e minute sur un pénalty converti par le capitaine. Ils ont creusé l’écart dès les premières minutes de la reprise de jeu (seconde mi-temps) avec un but de Mbeumo à la 55e minute avant que Aboubakar ne rassure le peuple camerounais avec le troisième but, son doublé dans le match. Comme en 2001, les Lions ont fait ce qui était attendu : gagner la partie. Une victoire à mettre à l’actif d’un sursaut d’orgueil, du bon choix des joueurs et à des individualités qui ne sont pas passées inaperçues. « J’ai beaucoup aimé Martin Hongla au milieu de terrain ce soir. Il a été super. Il est l’homme du match pour moi. Baleba est resté fidèle à lui-même : il rassure la défense. Le milieu n’était pas mal aujourd’hui. J’ai beaucoup aimé. J’ai également aimé le petit Namasso : il est intelligent, il joue et il fait jouer les autres. C’est une très belle équipe en perspective », rassure l’ancien attaquant des Lions.
Dans cette nouvelle génération de Lions, Tchoutang place beaucoup d’espoirs. Même si les générations se suivent mais ne se ressemblent pas, l’ancien footballeur croit en leur potentiel. « Cette équipe de Libye est moins forte que celle que j’ai connue. Les Libyens d’aujourd’hui sont techniques mais moins puissants. Pour ce qui est du Cameroun, cette génération est technique, elle est jeune, elle peut encore progresser. Il y a quelques anciens qui vont peut-être bientôt arrêter. Quoiqu’il en soit le groupe est jeune. Dans six ou huit mois, l’équipe sera très performante », confie-t-il. Cet espoir repose sur des joueurs, hérités de certains grands noms du football camerounais. « Namasso est un peu un Choupo Moting dans qualité de jeu mais davantage plus élégant. Je crois qu’il peut être un meilleur finisseur. Je pense que chacun a son style mais Carlos Baleba c’est l’exception. Il est un peu « un tout » : c’est un Foe, c’est un Makoun, c’est un Timothée Atouba… c’est un joueur qui avec une vision et une rapidité incomparable. Pour le reste, nous avons une équipe très jeune, une équipe du futur », se réjouit l’ancien international camerounais.