De tous les sprinteurs africains, le namibien Frankie Fredericks est certainement celui qui a le plus marqué son époque et l’histoire de son sport au niveau mondial. Voici son histoire : elle commence à Windhoek le 2 octobre 1967, dans l’ancien Sud-Ouest Africain administré par l’Afrique du Sud jusqu’à son indépendance en 1990.
Frankie Fredericks fait partie de la dernière génération d’athlètes ayant fait les frais de la suspension de l’Afrique du Sud du Comité international olympique de 1970 à 1991, après avoir été banni des Jeux olympiques de 1964 à Tokyo et de 1968 à Mexico.
Football
Enfant unique de Rieke Fredericks et d’Andries Kantoogui, des parents qui se sont séparés lorsque Frankie Fredericks était tout jeune, il a grandi à Katutura, un township de la capitale de la future Namibie : Windhoek. Passionné de football, il intègre l’école catholique DsËbra à l’âge de 13 ans grâce à ses qualités. Trois ans plus tard, le voilà qui obtient une bourse pour rejoindre l’école académique Concordia, école ségrégationniste, mais où les meilleurs élèves de Namibie sont sélectionnés.
Attaquant de pointe, il était un joueur redouté pour sa vitesse, ce qui lui permettra d’évoluer au sein de Black Africa, club le plus titré de Namibie. Cela le conduira même à intégrer l’équipe nationale sénior de football. Alors qu’il cumulait football et athlétisme, la possibilité de recevoir une bourse pour étudier et continuer à s’entraîner pour l’athlétisme va le conduire à raccrocher ses crampons de football.
Un destin lié à la mine
Bien que des bourses d’universités sud-africaines lui sont proposées (seulement cinq élèves namibiens auront cette possibilité), il rejoindra le programme du Rossing Uranium Mine, une compagnie minière pour laquelle il travaillera durant le printemps 1987 tout en continuant à s’entraîner, en vue des Championnats d’Afrique du Sud d’athlétisme. C’est là qu’il rencontre Patrick Shane, entraîneur adjoint de la Brigham Young University (dans l’Utah).
Celui-ci va le mettre en contact avec le coach spécialisé en sprint de l’époque, Willard Hirschi. Le voilà qui rejoint donc cette université américaine en automne 1987 avec une bourse offerte par la compagnie Rossing pour y obtenir une licence en informatique, puis un master en administration des affaires, le tout avec un accord suggérant qu’il revienne y travailler à la fin de ses études.
A en croire Le Point, durant ses trois premières années, l’Afrique du Sud étant toujours suspendue du CIO, Frankie Fredericks est retourné en Namibie travailler dans la mine, ne pouvant pas prendre part aux compétitions d’athlétisme, ce qui ne lui posait pas de problèmes, car pour Frankie, les études ont toujours primé sur le sport.
Révélation
Alors qu’il était spécialisé sur 100 mètres et 200 mètres, son coach de l’époque estimait qu’il avait le potentiel pour devenir un champion et même un recordman du monde sur 400 mètres, en raison d’une endurance lui permettant de finir ses courses sur un rythme élevé. Mais en raison de son succès (il courait déjà en 10’25 sur 100 m et en 20’57 sur 200 m, record universitaire en 1988), Frankie était plutôt réticent à l’idée de se lancer sur le tour de piste qui est, selon les spécialistes, la course la plus difficile de toutes.
Par ailleurs, Craig Poole, un autre de ses entraîneurs, est allé jusqu’à le comparer à Jesse Owens en raison de son style et de sa technique de course. C’est-à-dire à quel point il était estimé par ses entraîneurs. Seulement, en raison de la suspension de son pays, Fredericks ne pourra pas participer à des compétitions internationales et notamment aux Jeux olympiques de Séoul en 1988, qu’il suivra à la télévision.
Eclosion
Avec l’indépendance de la Namibie acquise le 21 mars 1990, marquant la fin de 74 ans d’administration sud-africaine sur le Sud-Ouest africain et l’adhésion de la Namibie au mouvement sportif international acquis un an plus tard, la carrière de sprinteur de Frankie Fredericks peut enfin commencer. Âgé de 23 ans, il réalise un doublé sur 100 m et 200 m des championnats universitaires américains, le premier depuis 13 ans. Le Namibien est le premier étranger à remporter le titre sur les disciplines respectives et sera qualifié pour participer aux Championnats du monde de Tokyo, où il finira 5e du 100 m avec un temps de 9’95 (Carl Lewis battra le record du monde du 100 m en 9’86).
Palmarès
Il compte à son palmarès un titre de champion du monde, un titre de champion du monde en salle, trois titres de champion d’Afrique, et deux titres lors des Jeux du Commonwealth et des Jeux africains. Longtemps seul sportif namibien à remporter une médaille olympique (jusqu’à la médaille d’argent de Christine Mboma aux JO de Tokyo 2020, il est vice-champion olympique du 100 mètres et du 200 mètres en 1992 à Barcelone, puis en 1996 à Atlanta.

Il est l’actuel détenteur du record du monde en salle du 200 m, en 19 s 92, et détient par ailleurs le record d’Afrique du 200 m en 19 s 68. Lors de sa carrière sportive, il réalise 27 fois un temps inférieur à 10 secondes sur 100 m, et 24 fois un temps inférieur à 20 secondes sur 200 m.
Retraite et reconversion
Frank Fredericks, devenu président de la Fédération namibienne d’athlétisme, est élu au sein du Comité international olympique en 2004. Chargé de l’évaluation des différents sites pour les Jeux olympiques d’été de 2012, il est ensuite coordonnateur des Jeux de Londres et président de la commission des athlètes en remplacement de Sergueï Bubka.

Il est également membre du club des Champions de la Paix, un collectif d’athlètes de haut niveau créé par Peace and Sport, organisation internationale basée à Monaco et œuvrant pour la construction d’une paix durable grâce au sport.
Étant chargé de l’évaluation des sites olympiques, les médias pointent une possible corruption pour l’attribution des Jeux à Rio de Janeiro en 2016, qui correspond à un versement de près de 300 000 dollars via une société offshore le jour de l’obtention des JO par Rio. Ce qui l’oblige à se mettre en retrait du CIO et de l’IAAF.
Pour s’épanouir autrement, il y a, fort heureusement, sa fondation: la Frank Fredericks Foundation (FFF) lancée en 1999 par Hage Geingob, alors premier ministre de Namibie. Une façon pour Frankie de dire merci au peuple namibien pour son soutien indéfectible tout au long de sa carrière. La fondation, une organisation à but non lucratif, accorde des bourses à de jeunes athlètes talentueux (50% sport-50% éducation).