Les relations entre les Fédérations membres de la FIFA telle que la FECAFOOT et les tiers tel que l’Etat du Cameroun, sont encadrés par les articles 14i) et 19.1) des Statuts de la FIFA qui stipulent que les associations membres ont l’obligation de « diriger leurs affaires en toute indépendance et veiller à ce qu’aucun tiers ne s’y immisce » ; par ailleurs, l’article 15c) des Statuts de la FIFA précise que les statuts des associations membres doivent « garantir l’indépendance et éviter toute forme d’interférence politique ».
Or il s’avère que la FECAFOOT elle-même ne se conforme pas de manière stricte à ces règles de la FIFA, avec une certaine tolérance de la FIFA. En Effet, la FIFA a approuvé les Statuts de la FECAFOOT du 10 octobre 2023, qui consacrent les subventions de l’Etat comme une ressource financière permanente de la FECAFOOT aux articles 2 et 80 j), et qui reconnaissent que ces subventions doivent être contrôlées par le ministère en charge des Sports et/ou le ministère en charge des Finances.
L’article 2 desdits Statuts précise par ailleurs que la FECAFOOT « participe à l’exécution d’une mission de service public ». L’ingérence de l’Etat est donc consacrée dans les Statuts de la FECAFOOT avec l’accord tacite de la FIFA ! Car, comment peut-on statutairement accepter l’exécution d’une mission de service public, les financements de l’Etat, et les contrôles de l’Etat, et clamer haut et fort que la FECAFOOT est indépendante de l’Etat ? Et tout cela avec la complicité passive de la FIFA ! Il y a là un manque de cohérence.
En réalité, la FIFA est bien consciente que certaines fédérations de football en Afrique telle que la FECAFOOT, contrairement à leurs homologues d’Europe, d’Amérique, d’Asie, n’ont pas les moyens de leur indépendance vis-à-vis de leurs États, car leur viabilité financière en dépend. La FIFA ne voudrait pas se retrouver à financer seule les fédérations qui sont dans l’incapacité de générer des ressources propres suffisantes pour financer leurs activités, c’est pourquoi la FIFA tolère un certain niveau d’ingérence des Etats en contrepartie de leurs subventions aux Fédérations, mais en souhaitant que les Etats soient plus fins et discrets dans leur interventionnisme.
La FECAFOOT serait bien naïve de ne pas comprendre ce jeu qui se joue entre sa mère (la FIFA) et son père (l’État), et où elle (l’enfant) se retrouve au milieu. C’est un ménage à trois dans lequel la FECAFOOT à d’un côté l’Etat comme tutelle administrative et financière, et de l’autre côté la FIFA comme tutelle technique et opérationnelle. Dans ce contexte, la FECAFOOT trouve un équilibre pour contenir et limiter les velléités d’ingérence de l’Etat, tout en respectant autant que possible les normes et les exigences de la FIFA. Pour sortir de cette situation qui la place entre le marteau et l’enclume, la FECAFOOT doit se professionnaliser dans le cadre normatif de la FIFA et gagner son autonomie financière vis-à-vis de l’Etat, c’est là le véritable enjeu et son principal défi.
Pour accroître ses ressources financières et assurer à long terme son autonomie financière et par là son indépendance vis-à-vis de l’Etat, la FECAFOOT devrait :
- Améliorer sa gouvernance par une réelle séparation des pouvoirs, le renforcement des structures de contrôle interne, et le renforcement des capacités humaines en recrutant des cadres compétents aux fonctions clés pour mieux accompagner les dirigeants élus, pour une meilleure prise de décision ;
- Améliorer la reddition des comptes et la transparence financière, car les partenaires ont besoin d’être rassuré que l’argent est bien dépensé pour investir davantage ; les comptes annuels doivent être présentés par l’Exécutif, audités par un auditeur externe, et approuvés par l’Assemblée Générale ;
- Améliorer les performances sportives des Lions Indomptables car elles affectent le niveau de revenus qui contribuent à l’autonomie financière de la FECAFOOT, notamment :
- Les revenus liés à la vente de l’image de l’équipe nationale ; il s‘agit principalement des revenus des annonceurs, des sponsors et des équipementiers. Actuellement pour le football masculin, le Cameroun est classé 51e sur 211 associations au classement FIFA (avril 2024) derrière le Maroc (13e), le Sénégal (17e), le Nigeria (30e), l’Égypte (37e), la Côte d’Ivoire (38e), la Tunisie (41e), l’Algérie (43e) et le Mali (44e) ; l’image des Lions Indomptables n’est pas actuellement à son meilleur niveau ;
- Les revenus provenant des participations aux compétitions internationales payés par la FIFA et la CAF ; il faudrait que le Cameroun aille plus loin dans les compétitions comme la Coupe du monde et la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en atteignant au moins les 8e de finale dans les Coupes du monde, et les ½ demi-finales dans les CAN. Ce sont des objectifs réalistes pour un pays comme le Cameroun.
Pour améliorer leurs performances sportives, les Lions Indomptables doivent se doter de très bons encadreurs (pas nécessairement les moins chers) et sélectionner les meilleurs joueurs disponibles (sans exclusion, sans discrimination et sans favoritisme).
Douala, le 15 avril 2024
Emile C. BEKOLO
Expert-Comptable