L’enjeu est énorme. Les 23èmes Championnats d’Afrique d’athlétisme, regroupant 49 pays à Douala, représentent une compétition de grande importance. Non seulement il s’agit de gagner des médailles au niveau continental, mais aussi de se qualifier pour les prochains Jeux olympiques de Paris 2024. Mais depuis le lancement des épreuves le 21 juin 2024, la déception des athlètes est grande. La première athlète à avoir exprimé son amertume est l’ivoirienne Marie-Josée Ta Lou-Smith. « Je suis blessée et déçue », a écrit la sprinteuse ivoirienne sur X.
Au micro de Rfi, son récit est glaçant : Mon équipe doit prendre un Yango (taxi) pour aller au stade car le transport est nul, a déclaré la vice-championne du monde sur 100 m et 200 m (2017). J’ai envie de pleurer ! En plus, pendant que nous sommes dans le taxi, nous voyons une autre équipe africaine dans un véhicule, avec une escorte policière. Pourquoi ne pas le faire pour tout le monde ? .
Selon des sources médiatiques, certaines équipes d’athlètes n’ont pas eu accès aux véhicules affrétés par les organisateurs. Bus en retard pour déposer les athlètes au stade, délai de plusieurs heures pour rentrer à l’hôtel, starters dysfonctionnels et absence de solutions de rechange… Les incidents sont déjà nombreux lors de ces Championnats d’Afrique d’athlétisme et plusieurs athlètes n’ont pas tardé à dénoncer des conditions d’accueil jugées « inadmissibles ».
La Togolaise Naomi Akakpo, spécialiste du 100 mètres haies, a notamment déploré l’image du continent africain renvoyée à l’international lors de la compétition. « Déjà qu’on a une image pourrie… Au lieu d’essayer de s’élever et de faire de bons Championnats avec une bonne organisation, en montrant qu’on peut avoir un niveau mondial, là on ne fait que conforter ceux qui nous critiquent. On est désorganisés, en retard et pas à la hauteur. Clairement, même les Championnats départementaux sont mieux organisés que cela, c’est très décevant. Ça ne met pas le continent africain en avant », a regretté l’athlète de 23 ans.
Avant même le début de ces Championnats, la Confédération africaine d’athlétisme a été contrainte de changer de stade pour pouvoir accueillir la compétition, en raison de retards sur les travaux de rénovation de la piste du stade de la Réunification.
Il ne fallait pas annuler la compétition pour autant, étant donné qu’un autre stade récent existe et a été construit à l’occasion de la Coupe d’Afrique des nations de football de 2021 que le Cameroun a organisé, a expliqué le camerounais Hamad Kalkaba Malboum, le président de l’instance. Nous avons accepté la délocalisation. C’est une piste classée 2 certifiée par World Athletics. En dehors des spectateurs qui n’auront pas l’accès facile, les athlètes, eux, peuvent se réjouir de participer à la compétition.
Niveau d’impréparation
C’était une journée très difficile. La programmation était tellement mal organisée que je n’étais pas qualifié pour la finale », explique le sprinteur camerounais Emmanuel Eseme, qui s’est classé 2e lors de l’épreuve des 100 mètres. « J’étais déjà rentré à la maison quand on m’a rappelé pour revenir. J’ai dû prendre un Yango en urgence, mais en arrivant à Yassa, il y avait un embouteillage, alors j’ai dû finir le trajet à moto.
Le transport est donc l’un des points noirs de ce championnat d’Afrique d’athlétisme, mais les sportifs présents sur place ont bien d’autres griefs à l’encontre des organisateurs : les nombreux retards avant le démarrage des épreuves, le temps d’attente en chambres d’appel, le manque de matériel pour le bon déroulement des épreuves, comme un pistolet starter, ou encore l’absence de nourritures pour leur permettre de reprendre des forces. Certains ont déploré le fait d’être resté près de 10h sans le moindre repas.
Si l’entrée du stade de Japoma est libre et gratuite, la compétition se déroule dans l’anonymat la plus totale, faute de spectateurs. Sont-ils même au courant qu’une compétition de cette envergure se déroule dans leur ville ? Avec une communication au rabais, l’on ne pouvait espérer mieux. Dans un pays où toute l’attention du ministre en charge des Sports Narcisse Mouelle Kombi est focalisée sur le football, où il a récemment présidé trois réunions préparatoires pour le match Cameroun–Cap Vert, l’on comprend mieux le niveau d’impréparation de ses 23èmes championnats d’Afrique d’athlétisme…

Sur le strict plan sportif, Joseph Fahnbulleh est la super star du sprint libérien. Auteur d’une belle saison, le natif de Hopkins (Minnesota) nourrit de grandes ambitions. Il a créé la sensation à Douala en surprenant en 10’’13 le Camerounais Esseme Emmanuel (10’’15) et le sud-africain Benjamin Richardson (10’’17). Il a fallu la photo finish pour départager ce trio. Letsile Tebogo de Botswana a simulé un faux départ en demi-finale pour arrêter la compétition. Il a déjà décroché son ticket pour Paris 2024.Tout comme le Kenyan Ferdinand Omanyala (Détenteur du record d’Afrique du 100m) qui ne s’est pas présenté à Douala.
Plusieurs athlètes de l’élite du sprint africain féminin qui ont déjà les minimas olympiques n’ont pas jugé nécessaire de poursuivre la compétition. Marie-josée Talou de Cote d’ivoire et Favour Affilidu Nigéria ont déclaré forfait en demi-finale. Ainsi, la gambienne Gina Bass, pensionnaire de AADC de Dakar, n’a eu aucune peine pour survoler en 11’’14 la finale devant la Libérienne Maia Mc Coy (11’’16) et l’Ivoirienne Maboundou Koné (11’’24). L’autre pensionnaire de AADC de Dakar, Sidonie Fiadanantsoa de Madagascar, est quant à elle repartie avec la médaille de bronze du 100m haies en 12’’98.