Pelé, un pseudo un peu lourd à porter lorsque l’on est footballeur professionnel. Le genre de pseudonyme qui condamne quasi de plein droit un joueur à subir une carrière anonyme. Et pourtant, un certain Abedi Ayew s’est payé le luxe de créer un nouveau Pelé distinct de la légende brésilienne, avec son existence propre et avec des exploits sportifs qui n’appartiennent qu’à lui. Tel est l’un des principaux faits de gloire d’Abedi Ayew, dit Pelé, l’un des meilleurs joueurs africains de tous les temps. Il a été sacré trois fois d’affilé, meilleur joueur africain (1991-1992-1993).
Sauf que le Ghanéen, qui a écrit avec sa patte gauche les plus belles heures de l’histoire de l’Olympique de Marseille (OM), a longtemps côtoyé l’anonymat en club au point de s’approcher dangereusement de la grande famille des footballeurs talentueux qui n’ont pas eu la carrière qu’ils méritaient…
« Je suis président, entraîneur, sponsor et relations publiques du club » de Nania (D2 ghanéenne) mais aussi agent pour ses trois fils André, Jordan et Rahim Ayew, sans oublier homme d’affaires co-propriétaire d’une banque de micro-crédit et de deux casinos.
C’est la vie du « retraité » Abedi Pelé, une des légendes du football africain, qui vit désormais à Accra. « Ça fait du bien d’être à la maison. Le pays m’a toujours manqué… 30 ans de carrière. Je suis passé par le Qatar, la France, l’Italie, l’Allemagne, les Emirats (il oublie aussi le Bénin et la Suisse, ndlr)… Mais je ne voulais pas rentrer pour ne rien faire« , explique Abedi Pelé au journal Le Point.
« La retraite c’est la chose la plus dure pour un footballeur. On joue 10, 15 ans… Ce n’est qu’une petite partie de ce qui te reste à vivre. Alors qu’est ce que tu fais ? Tu restes là à dépenser ton argent ? », dit Abedi Pelé, installé dans une maison sans luxe exubérant où trônent d’innombrables trophées dont ses trois Ballons d’or africain.
« Quand on était à Marseille avec (Basile) Boli et (Jocelyn) Angloma, on se demandait +après les carrières qu’est-ce qu’on fait ? Moi, je voulais rendre un peu ce que le ballon m’a donné », explique Pelé, qui a pris quelques kilos mais garde la ligne, sans toutefois toucher au ballon. « Je ne joue plus », avoue-t-il. Abedi a donc fondé à Accra son propre club, le Nania FC, Nania comme le nom du village de son père dans le nord du Ghana.
Amour de la France
« Il y a beaucoup d’enfants qui ont des talents et qui sont dans la rue. Leurs familles ne peuvent pas leur donner l’éducation. Ce sont des enfants comme ça que j’ai recrutés », explique Pelé qui fait monter le club de la 4e à la 2e division avec une victoire en Coupe du Ghana en 2011.
« On aurait pu aller en 1re division mais ce n’est pas le but. Ça coûte trop cher. Je veux construire une équipe qui a de l’avenir, je veux que les structures soient solides. Ne pas mettre tout le temps de l’argent pour jouer en première division « , souligne Pelé.
« Petit à petit, ça commence à devenir quelque chose d’important« , dit l’ancien Marseillais qui fait actuellement construire un centre et quatre terrains à Accra pour bâtir « une vraie académie ». Le pays en compte des dizaines mais celles-ci sont souvent des miroirs aux alouettes pour jeunes joueurs. Elles ne sont souvent adossées à aucun club et ne sont parfois que des coquilles vides ne servant que les intérêts de leur propriétaire.
Pelé ambitionne de faire un centre aussi performant que celui qu’avait créé l’ancien international français Jean-Marc Guillou en Côte d’Ivoire. En attendant, Pelé se targue d’avoir déjà « sorti » plusieurs internationaux.
« J’aimerais réussir dans mes affaires pour pouvoir investir plus », assure Pelé qui a des parts dans deux casinos et a créé une banque de micro-crédit –une activité délaissée par les grandes banques mais qui permet aux plus pauvres de contracter des emprunts.
Aujourd’hui, Pelé est obligé d’injecter de l’argent dans le club et si le Nania FC est souvent invité à des tournois en Europe, il le doit au nom de son président dont la présence est souvent exigée…
Le patron, qui a un entraîneur adjoint aux pleins pouvoirs quand il n’est pas là, délaisse régulièrement le Ghana pour l’Europe et ses fils dont il gère la carrière et à qui il donne des conseils. Deux sont déjà des stars – André Ayew à Nottingham Forest Football Club, Jordan à Crystal Palace–, le cadet Rahim est aussi professionnel en Belgique. Modeste, Abedi attribue tout le crédit de leur succès à leur mère Maha. « Moi, je jouais, j’étais en déplacement dans des hôtels… C’est elle qui les suivait, les emmenait aux entraînements, les encourageait sur les bords du terrain en hiver ! ».
Il espère en tout cas que ses enfants auront une carrière plus belle que la sienne: « Tout parent rêve de voir ses enfants le dépasser. On souhaite que nos enfants deviennent plus forts. On est très fiers de les avoir à ce niveau et ils n’ont pas fini ! Ils sont en train de bagarrer pour arriver à gagner. On croise les doigts qu’un jour ça arrive ! ».
Lors des voyages en Europe, Abedi Pelé passe régulièrement par la France: « Je fais des navettes tout le temps parce que la France m’a tout donné. La France m’a donné l’amour, la carrière, l’éducation ! Elle m’a donné tout, tout ! »